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Liberté de la presse: “merci de nous avoir appuyés”

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Parfois, les défenseurs des droits humains ou de la liberté de la presse ont l’impression, comme le proclama fameusement le Libertador Simon Bolivar, de « labourer la mer », de se battre, comme don Quichotte, contre des moulins, d’être condamnés, comme Sisyphe, à éternellement pousser sa pierre.

Et pourtant, le 16 février, lors d’une conférence organisée à l’Unesco, le journaliste tunisien Kamel Labidi, actuel président de l’INRIC (Instance nationale pour la réforme de l’information et la communication), les a dissuadés de désespérer. « Si je suis ici aujourd’hui », a déclaré ce journaliste tunisien qui fut pourchassé par le régime Ben Ali et contraint à l’exil, « c’est par reconnaissance. Je n’ai jamais oublié qu’en 2005, à la veille du Sommet mondial de la société de l’information, à Tunis, Ron Koven, ici présent, s’était physiquement interposé pour empêcher que les flics du régime ne molestent l’avocate des droits humains Radhia Nasraoui. Quand il m’a demandé de venir à Paris, je me suis souvenu de ce moment-là et de tous ceux qui, alors, nous avaient appuyés ».

Au cours des cinquante dernières années, depuis la création d’Amnesty International en 1961, une communauté internationale des droits humains s’est peu à peu constituée. Formée de militants de base, de « fourmis de la démocratie », mais aussi d’intellectuels publics, de chercheurs spécialisés, d’hommes et de femmes politiques, de syndicalistes non corporatistes, de journalistes engagés, de diplomates « concernés » et d’hommes d’affaires « socialement responsables », elle a ses propres rites, son propre son jargon, ses auteurs et ses films préférés.

Elle a aussi son calendrier : le 10 novembre, journée de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des bougies d’Amnesty ; le 3 mai, journée mondiale de la liberté de la presse et de la remise du Prix Unesco/Guillermo Cano (en hommage au grand journaliste colombien abattu en 1986 par les narcotrafiquants ; le 25 novembre, la journée mondiale contre la violence faite aux femmes et tant d’autres dates-clés, comme la remise du Prix Sakharov par le Parlement européen et la proclamation du Prix Nobel de la Paix par le Parlement norvégien.

Le caravansérail de la liberté

La semaine dernière, à l’occasion de cette conférence de l’Unesco sur le monde des médias après Wikileaks et News of the World, les groupes de défense de la liberté de la presse étaient pratiquement tous là. Avec leurs mandats et leurs agendas, leurs solidarités et leurs différences, leurs points forts et parfois leurs intérêts particuliers et leurs partis pris.

Avec aussi leurs personnages et leurs porte-voix, comme Ronald Koven, le patriarche du World Press Freedom Committee, auquel Kamel Labidi, lui-même ex-conseiller pour l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient du Comité de protection des journalistes, avait rendu hommage, Rohan Jayasekera, rédacteur en chef adjoint de “la” revue de référence Index on Censorship, ou Aidan White, qui fut pendant un quart de siècle le secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes.

Ils étaient là aux côtés de « fonctionnaires » internationaux engagés, souvent contre certains de leurs Etats membres, dans la lutte pour la liberté de la presse. Comme le sud-africain Guy Berger, directeur de la liberté d’expression à l’Unesco, le guatémaltèque Frank La Rue, rapporteur spécial des Nations Unies pour la liberté d’expression, et Dunja Mijatovic, représentante pour la liberté des médias de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Il y avait aussi des journalistes, venus témoigner des défis et des dilemmes de leur mérier, comme Pierre Haski, fondateur de Rue89, Sylvie Kauffmann, du Monde, David Leigh du Guardian, ou Ian Fisher rédacteur en chef adjoint du New York Times, des responsables de médias “libéraux” et prestigieux les plus souvent en phase avec les défenseurs de la liberté.

Et puis il y avait les « autres », ceux qui rôdaient dans les couloirs à la solde des « prédateurs de médias », quelques diplomates égarés et peut-être même quelques agents interlopes et stipendiés. Il y avait aussi, « printemps arable oblige », une poignée de thuriféraires de régimes déchus qui, entre le thé et le café, nous ânonnaient des mots prestement appris, comme démocratie et liberté. La chorégraphie qui se déroulait dans la salle en disait long sur les attirances et les répulsions. Dans ce genre de réunion, on apprend vite l’art d’échapper à un tourne-casaque et la technique pour se débarrasser d’un diplomate servile et collant…

La relève est assurée

Le monde des médias après Wikileaks et News of the World ? Beaucoup de choses ont déjà changé, mais, dans le fond, sur le front de la liberté, rien vraiment n’a changé : un peu partout, la presse est harcelée. Pendant ces deux jours de conférence, 14 journalistes syriens ont été arrêtés, les bureaux parisiens du quotidien turc Zaman ont été vandalisés par des militants kurdes proches du PKK, des journalistes équatoriens ont été condamnés à 3 ans de prison, un reporter de la BBC a été attaqué au Yémen.

Rien n’a changé ? Si, Kamel Labidi est aujourd’hui de retour dans son pays où il continue à se battre pour une vraie liberté. Une journaliste chinoise nous a expliqué comment elle cherchait à pousser les lignes rouges de la censure. Riyaad Minty, responsable des médias sociaux à al-Jazira nous a raconté, au confluent du journalisme et de la liberté, comment il vérifiait la véracité des vidéos envoyées par des « rapporteurs citoyens » en Syrie.

A Paris, jeudi et vendredi, dans ce bâtiment historique de l’Unesco, le passé a été honoré, mais la relève est assurée.

PS: cette conférence a été organisée par l’Association mondiale des journaux, le World Editors Forum, le World Press Freedom Committee, l’Institut international de presse, avec l’appui de la fondation JP-Politiken (Danemark), l’Open Society Foundation (Londres) et la Nicholas B. Ottaway Foundation (New York). Les débats peuvent être suivis sur le site de l’Unesco,www.unesco.org


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